Mardi 11 février, 9h30
Visite du musée des Arts forains

Rien de mieux qu’une visite du musée des Arts forains proposée par Éloïse Galliard, responsable des collections, pour débuter ce périple parisien. Les MAGEMI étaient impatient·es de découvrir cette institution qui réveillent les manèges d’antan et nos âmes d’enfants.

Le musée des Arts forains se veut avant tout un « musée-spectacle » dans lequel les objets sont considérés comme de véritables acteurs. Son fondateur, Jean Paul Favand, souhaite depuis toujours rendre sa collection vivante afin que magie et enchantement naissent du regard des visiteur·ses. Antiquaire à l’origine, il se passionne rapidement pour les costumes de scènes, les arts du spectacles comme le cirque ou le cabaret, avant de jeter son dévolu sur les arts forains : il donne rapidement vie à son rêve en créant ses propres structures. Dans les années 1970, il fonde le Tribulum-antiquités où se côtoient objets affiliés à l’art brut, productions populaires et de spectacle. Il contribue en 1977 à la création du Louvre des Antiquaires où il organise ses premières expositions de « curiosités » : Trésors perdus (1979), Au début, le jouet… (1979), Art démoniaques (1979), L’art forain et les objets de la fête au siècle dernier (1980). Le spectaculaire et le jeu alimentent déjà son travail scénographique. Il continuera sur la voie des arts forains dans les années 1980 et fondera enfin son musée en 1988 à Gentilly. Après avoir déménagé dans le 15e arrondissement, ce dernier s’implante définitivement dans les anciens chais à vin de Bercy en 1996.

L’aménagement des lieux est immédiatement pensé en fonction de l’impératif événementiel : artistes, traiteurs et publics ayant privatisé une ou plusieurs salles pour une fête hors du temps doivent désormais pouvoir être accueillis. Les collections leur sont rendues accessibles à cette occasion. En plus des décors et des objets, un tour de manège n’est jamais exclu. Les autres publics peuvent découvrir le musée au cours de visites guidées organisées pendant les vacances scolaires. À noter que le Festival du Merveilleux revient chaque hiver pour proposer une riche programmation de spectacles vivants.

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Le parcours se déploie en trois ensembles de salles, toutes dessinées et imaginées comme des univers singuliers.

Les premiers « Salons » sont dédiés à Venise, et tout particulièrement à son carnaval et ses opéras. Les décors nous plongent immédiatement dans la cité vénitienne : le pont du Rialto est reconstitué, des gondoles flottent au-dessus de nos têtes et un manège à musique laisse présager de ce qui pourra être découvert dans les autres salles – des manèges anciens restaurés ou (re)constitués, en état de marche. Celui-ci, par exemple, est une pure création du musée, les sujets provenant de plusieurs ouvrages des années 1880. Ils ont été réunis pour créer un manège à musique en parfaite symbiose avec le thème de la salle. Une salle annexe propose, quant à elle, une immersion dans le carnaval du XVIIIe siècle. Au balcon, des automates s’activent et poussent la chansonnette. À cette époque, les célébrations pouvaient durer jusque six mois et marquaient un temps de transgression.

Une autre section – la plus vaste – est consacrée au Paris de la Belle Époque. Un panorama des attractions d’alors permet aux publics de s’immerger dans cette période où les innovations techniques participaient de l’essor de la fête foraine. L’arrivée de la vapeur, à titre d’exemple, a accéléré considérablement les déplacements et le gigantisme des foires, qui offrent progressivement aux visiteurs l’expérience de l’inaccessible : lumière, vélocipède, musique mécanique et, plus tard, électricité et automobile. Aujourd’hui, les publics redécouvrent au musée les orgues dits limonaires et les manèges emblématiques de l’âge d’or de la fête foraine, en les voyant actionnés pour les premiers, en grimpant dessus pour les seconds. Ils en apprennent davantage sur leur fonctionnement et leurs spécificités. Quelle écart de style entre un sujet de cheval allemand et son homologue français ? Tout est dans la crinière et l’expression faciale. Cet espace contribue également à montrer que les forains apportaient en leur temps  des images d’un ailleurs et des sensations neuves. On observe ainsi la prolifération de sujets d’animaux venus de pays lointains comme on mesure la vitesse atteinte par un manège vélocipède. Le musée des Arts forains a la chance d’en conserver un, créé en 1897 et pesant plus de deux tonnes !

Le troisième segment du parcours porte bien son nom, « Théâtre du merveilleux », puisque dès l’entrée, nous sommes accueilli·es par une montgolfière-éléphant. Tout droit sortie d’un rêve, elle procède de l’assemblage d’un plafond de manège à chaise volante et d’un sujet d’éléphant appartenant à un autre manège , originaire de Belgique. Il existe un quatrième espace, le « Magic Mirror », que nous n’avons pas eu la chance de visiter. Créé en 1924, il a voyagé pendant 90 ans entre les Pays-Bas et la Belgique avant d’achever sa vie nomade au musée en 2014.

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Au quotidien, le musée connaît un fonctionnement particulier. Les visites guidées sont dispensées par une équipe interne, constituée notamment de comédien·nes, qui développe depuis vingt-cinq ans une expertise technique lui permettant de gérer en toute sécurité les attractions. Notons que le choix de proposer exclusivement des visites guidées, et non des visites libres, s’est affirmé dès les premiers temps du musée afin d’accentuer son caractère théâtral. Il en est de même pour son financement qui, depuis l’ouverture, est autonome. Ce modèle économique rend l’événementiel indispensable, et il conditionne la programmation. Si le champ des collections patrimoniales ne bénéficie donc d’aucune subvention de l’État, des aides sont toutefois accordées dans le contexte de chantiers de rénovation du bâti, notamment en faveur d’une transition vers la LED.

Le musée a la chance de disposer d’un atelier de restauration au sein même du site. Deux artistes-restauratrices y travaillent depuis de nombreuses années avec pour ambition de retrouver les décors d’origine, enfouis sous les couches successives de vernis. L’accumulation est telle qu’elle tend à faire disparaître la finesse d’exécution qui était celle des facteurs de la Belle Époque. Toutes deux ont pour objectif commun, à contre-courant des apprentissages officiels de la conservation-restauration, de rendre sa vie première à l’objet, en rehaussant les décors par des retouches afin qu’il soit sublimé et mis en valeur dans les salles du parcours. Plus qu’un témoin patrimonial dont il s’agirait de préserver la trace, l’objet d’arts forains aux Pavillons de Bercy retrouve ici sa fonction matricielle: c’est un outil mis au service du merveilleux.

Mardi 11 février, 14h
Visite du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)

Accueilli·es par Jocelyn Périllat-Mercerot (chargé d’étude au département de la conservation préventive du C2RMF), les MAGEMI ont eu l’opportunité de découvrir une institution qui ouvre rarement ses portes au public et de rencontrer les acteur·rices qui œuvrent chaque jour avec passion à la recherche et à la restauration du patrimoine.

Le Centre de recherche et de restauration des musées de France, communément appelé « C2RMF », est né de la volonté d’associer un espace de recherche à un atelier de restauration. Installé au pied du plus grand musée du monde, il voit le jour à l’issue de grands travaux menés dans les sous-sols du Louvre entre 1989 et 1995. L’année 1999 est marquée par la fusion des laboratoires de recherches et des ateliers des restauration ainsi que par la création d’une antenne à Versailles. Partagé entre quatre départements, le C2RMF a pour vocation d’accompagner dans leurs démarches les musées de France. À titre indicatif, c’est près de 1 500 œuvres qui transitent chaque année d’un laboratoire à l’autre.

En raison de sa proximité avec la Seine, le C2RMF collabore avec une brigade de pompiers spéciale afin d’assurer la gestion des risques liés aux crues, mais aussi aux incendies et aux explosions dus à la sensibilité du laboratoire. D’ailleurs, des exercices d’évacuation qualifiés de « NRBC » sont régulièrement organisés afin d’anticiper les accidents.

Les laboratoires de recherche du C2RMF sont constitués de plusieurs cellules. Dans celle dédiée à l’imagerie sont par exemple traitées les collections organiques d’un côté, et les collections inorganiques de l’autre. Une distinction est également faite entre les espaces dédiés aux objets et ceux consacrés à la peinture, ainsi qu’entre ceux offrant des méthodes de datation et ceux abritant le projet AGLAE. Ce dernier est unique au monde pour deux raisons : il est non seulement implanté dans un contexte muséal d’exception, mais sa fonction est aussi entièrement patrimoniale. Le projet AGLAE est tourné vers le futur par sa volonté de dépasser les limites de l’humain, en s’intéressant notamment au traitement des données par l’intelligence artificielle. Autour de ce projet gravitent différents corps de métiers : ingénieur·es, archéo-physicien·nes, conservateur·rices, etc. Afin de découvrir dans de plus amples détails ce projet, nous vous invitons à profiter de la visite virtuelle publiée sur le site de l’institution : https://c2rmf.fr/actualite/visite-virtuelle-360deg-de-new-aglae

La suite de la visite s’est poursuivie dans les ateliers de restauration. Plusieurs acteur·rices œuvrant avec passion aux départements de la sculpture et de l’ébénisterie nous ont présenté leur projets en cours et leur méthodologie de travail. Dans ce dernier atelier, nous avons pu en apprendre davantage sur le partenariat engagé avec l’École Boulle depuis une dizaine d’année en faveur d’une restauration des meubles marquetés, caractéristiques de cette institution patrimoniale. Nous avons pu également découvrir les dessous du dernier projet en date, qui a occupé les équipes pendant deux ans (en comptant la recherche en laboratoire et la réalisation) : la restauration du bureau de Louis XIV. Un reportage détaillant les différentes étapes de ce projet historique est disponible sur le site du C2RMF : https://c2rmf.fr/actualite/bureau-de-louis-xiv-restauration

A bientôt pour la suite du voyage !

Pia Leroux