Les 8 et 9 février derniers, nous avons eu l’occasion de faire un voyage à Paris ! Sous la neige abondante, il a tout de même été possible d’être les visiteurs très privilégiés de plusieurs institutions.
Nous avons débuté notre pèlerinage parisien au Musée du Louvre, où nous avons été reçus par Natalie Coural, Conservatrice du Patrimoine, dans l’atelier de restauration des arts graphiques. Cette expérience nous a permis de découvrir de superbes dessins au graphite sur papier vergé de Georges Seurat, mais aussi un registre notarial du XVIIIe siècle aux véritables allures de fossile et dont les encres ferro-galliques ont créé des altérations sur le papier. Ce dernier posait notamment question quant à la manière dont il va pouvoir être restauré, car son état suggère ici de faire un choix entre valeur historique du contenu et valeur graphique du procédé technique (encre, papier, couverture en parchemin, reliure torsadée).
La journée s’est poursuivie dans un lieu qui dénote et surprend, le Musée de la Chasse et de la Nature. Depuis que Claude d’Anthenaise en a pris les commandes en 2005 (avant la réouverture en 2007), le public y est de plus en plus fidèle et se rue pour voir la collection et les expositions temporaires. Alors que l’on s’attend à trouver un musée très traditionnel, aussi bien dans la forme que le fond(s), on ne manque finalement pas d’être ébahis par les associations d’idées et de formes qui s’y trouvent. Le directeur a imaginé une scénographie thématique mais originale où les visiteurs s’immiscent dans des salles uniques, chacune dotée d’une ambiance particulière. Une de ses volontés principales était de fusionner les collections d’origine avec de nouvelles acquisitions en art contemporain. Son objectif est de les faire dialoguer sur la question de l’évolution du rapport entre l’Homme et les animaux. Une profusion remarquable d’œuvres, de trophées, de mobilier, de tapisseries, d’outils de chasse et de créations spectaculaires pour ce musée-maison, le façonnent comme une création d’art à part entière. Au-delà des choix esthétiques qu’il a entrepris, Claude d’Anthenaise n’a pas manqué d’y faire figurer son humour en faisant de l’excursion une véritable chasse aux indices, parsemée de pièges (est-ce le visiteur qui chasse, ou bien est-il chassé ?) où la réponse est parfois complètement aberrante et sonne comme une plaisanterie. Lors de notre venue, une exposition de Sophie Calle était également visible, avec pour invitée Serena Carone. Elles offraient toutes deux un regard surprenant sur le rapport aux animaux, à la nature et à la mort.
Le lendemain à Saint-Denis, nous avons pu visiter les réserves du Musée des Arts et Métiers en présence d’Anne-Laure Carré, Chargée des collections. Après avoir entrevu les ateliers de restauration, nous avons déambulé dans les deux galeries qui composent cette réserve. La première, concernant les « petits » objets, montre l’évolution d’innombrables domaines tels que le cinéma, l’horlogerie, les objets scientifiques, les matériaux, la construction, l’énergie ou la communication. La seconde, où sont entreposés les « gros » objets, s’intéresse aux sujets comme les transports ou l’architecture, et il est alors possible de contempler de vieilles voitures ou encore des études grandeur nature pour la statue de la Liberté. À l’écart du musée et souvent méconnues, ces réserves font cependant l’objet de visites régulières possibles pour le public sur réservation.
Notre expédition s’est terminée au Jeu de Paume, institution dédiée à l’image et en particulier à la photographie, pour la visite de deux expositions avec leur commissaire respective.
La première, Médiations (du 6 février au 20 mai 2018), consacrée à la photographe américaine Susan Meiselas, montre un recueil depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. Pia Viewing, qui a façonné cette rétrospective, donne à voir une première sélection consacrée à une pratique assez personnelle et intimiste de l’artiste, qui propose un regard sur son environnement immédiat lors de ses premiers clichés. Celle-ci fait écho à la suite qui montre davantage le travail documentaire qu’elle a entrepris tout autour du globe, sur des sujets variés comme les conflits politiques, l’identité culturelle, ou les droits de l’Homme. Photographe membre de l’agence Magnum, on ne manque pas de remarquer la dimension narrative de son travail, appuyée par la recherche de documents d’archives et par l’expérimentation de différents médiums comme la vidéo ou le film.
Le seconde exposition, Un regard en mouvement (du 06 février au 20 mai 2018), propose une rétrospective de l’artiste dadaïste Raoul Hausmann. Ce photographe autrichien est notamment l’auteur de nombreux photomontages et collages qui ont marqué la première moitié du XXe siècle. La commissaire Cécile Bargues explique que la photographie a été pour lui une pratique tout de suite absorbante et intense, qui a donné lieu à une production impressionnante. Pourtant, il fut mal connu du public dans un premier temps, et ce à cause de son exil au moment de la Seconde Guerre mondiale. Catalogué comme « dégénéré » par les nazis, il laissa derrière lui nombre de ses travaux. Dans une approche à la fois réelle et lyrique, Raoul Hausmann expérimente les formes, la lumière, les corps et les sujets. À partir de l’anodin et du quotidien, sa créativité l’emmène vers des propositions graphiques inattendues et des assemblages mordants. Sa démarche sonne comme une réponse au climat difficile voire monstrueux qui l’entoure. Portraits d’anonymes renfermant de la détermination, ou nus d’une douceur sans nom, sont autant de manières de dénoncer l’autorité et la violence.