Il y a trois semaines, la promotion a eu l’opportunité de se rendre à l’écomusée des Forges, localisé à Inzinzac-Lochrist (Morbihan). Nous avons été accueillis par la directrice de l’institution, en fonction depuis 2019, Morgane Conchis. La matinée fut tout d’abord dédiée aux histoires connectées de l’écomusée et des Forges ainsi qu’à la visite du parcours permanent et des réserves. L’après-midi fut ensuite consacrée à la réalisation d’ateliers. 

L’histoire de l’institution

L’écomusée des Forges a été fondé en 1978. Il a vu le jour grâce à l’impulsion d’une association de bénévoles dirigée par Gisèle Le Rouzic, professeure de français et fille d’un ancien lamineur. Sa démarche est un véritable cri d’alerte. En effet, les objets des anciennes forges et la mémoire de la communauté ouvrière étaient en train de disparaître. À cette époque, la quasi-totalité des installations sidérurgiques avait déjà été détruites. Il fallait endiguer ce phénomène en menant une campagne de sauvegarde. Aidée par des locaux et un photographe, elle mène alors une collecte des patrimoines à la fois matériels et immatériels. L’équipe s’associe également d’anciens ouvriers. Cette véritable démarche collaborative se situe dans la droite ligne de la définition des écomusées imaginée par le muséologue Georges Henri Rivière : une structure qui valorise la culture et les habitants du territoire sur lequel elle est installée. Cette opération de sauvetage a permis la revalorisation de ce patrimoine en péril. Alors que Gisèle Le Rouzic ne disposait pas de beaucoup de moyens et n’était pas formée aux métiers de l’exposition, elle réussit le pari de proposer aux visiteurs une scénographie et un propos cohérents. Voyant la ferveur que suscite le projet, la municipalité fait l’acquisition de l’un des vestiges des Forges : le laboratoire. Cet espace est sélectionné pour accueillir les futures collections assemblées. C’est en 1990, soit une dizaine d’années après son ouverture, que l’écomusée s’agrandit. Il se dote de nouveaux espaces d’exposition, seize au total, et d’une salle audiovisuelle. 

Visite du parcours permanent 

Au rez-de-chaussée, Morgane Conchis nous présente une maquette réalisée par un ancien ouvrier. Cette dernière est particulièrement intéressante puisqu’elle nous permet d’appréhender l’envergure des forges d’Hennebont à leur apogée dans les années 1960. Ce complexe industriel, spécialisé dans la fabrication de tôle de fer blanc pour les conserveries bretonnes, situé en bordure du Blavet, à une vingtaine de kilomètres de Lorient, a été actif de 1860 à 1966. Durant son existence centenaire, il a constitué un bassin d’emploi considérable et le lieu de vie d’une communauté ouvrière active. Il est un exemple rare des grands ensembles industriels bretons des XIX^e et XX^e siècles : la Bretagne était, à cette époque-là, surtout tournée vers le tertiaire. 

Le parcours se poursuit dans la première salle d’exposition mettant en exergue la chronologie des forges et les mouvements sociaux qui ont rythmé son histoire. Cette séquence est marquante : l’œil se dirige quasi-instantanément vers une grande reproduction photographique de l’équipe des forges. Au premier plan, nous remarquons des enfants en bas âge. Au cours des différentes phases d’industrialisation que la France a connues, le travail des enfants ne fut pas rare. Passés l’âge de cinq ans, ces derniers pouvaient être employés. Leur petite taille était convoitée, les rendant capables de se faufiler sous les grosses machines pour les entretenir. La scénographie reprend des vitrines (armoires contenant des éprouvettes, flacons et alambics en tous genres, téléphones) et des meubles anciens accompagnés de fac-similés de photographies. La seconde salle dresse la chronologie du site et accorde un intérêt tout particulier à Camille Herwegh, directeur de 1912 à 1935 des Forges. La salle est, comme précédente, marquée par son passé de laboratoire avec une grande vitrine incrustée dans le mur disposant des outils à l’usage de chimistes. Un espace semi-circulaire, originalité rompant avec la linéarité de la scénographie générale, nous permet de découvrir des cartels associés à des photographies ainsi qu’une bicyclette. Ils retracent les conséquences des grandes manifestations nationales survenues en 1936. Les Forges ont été directement impactées par ces changements : les ouvriers ont pu bénéficier de congés payés et d’une hausse de leurs salaires. 

Pourquoi exposer une bicyclette ? 

La bicyclette est un symbole fort, elle représente l’évasion et matérialise les congés payés. Une grande majorité des employés des Forges, avant cette mesure, n’avaient jamais vu la mer. L’engin leur permettait de voyager à bas coût alors que la voiture personnelle demeurait à cette époque un luxe réservé aux élites. 

Les deux autres salles terminant le parcours sont moins informatives. De grands panneaux, à la manière de patchworks photographiques, ont été installés pour comprendre la lutte menée par les ouvriers pour la sauvegarde de leur emploi. Les couleurs vives de ces panneaux, tantôt jaunes, tantôt verts, rappellent les grands tuyaux surplombant la salle. De plus, à la manière des espaces précédents, de grandes machines sont exposées (perceuses, soudeuses etc.). 

À l’étage, des pièces ont été aménagées pour les outils et les maquettes. Ces dernières, réalisées par de généreux contributeurs sont minutieusement façonnées. Nous pouvons nous replonger dans le quotidien des ouvriers tout en comprenant les gestes, les techniques ainsi que les matériaux et les procédés employés. Par ailleurs, le deuxième étage expose la vie des ouvriers. En effet, les vitrines incrustées dans les combles, mettent en évidence différents objets liés au quotidien : des mannequins habillés en tenues traditionnelles féminines et masculines bretonnes (il n’y avait environ que 5% d’ouvrières sur le site), des coiffes, des reconstitutions (joueur de fanfare, couturière), des vues de baraquements d’ouvriers, etc. 

Morgane Conchis nous a confié que les ouvriers, après avoir été privés d’activités culturelles et sportives par la direction, en raison des grèves qu’ils avaient menées, ont créé, pour contester cette décision, leur propre club de football : l’Union sportive Montagnarde d’Inzinzac-Lochrist. Le club conserve, encore aujourd’hui, ce nom.  

Les ateliers 

            Étiquetage 

Après notre pause déjeuner dans la salle principale de l’écomusée, nous nous sommes chargés, sous la supervision de Morgane Conchis, de l’étiquetage d’outils et d’objets des Forges. À l’aide de fils de pêche et de papier neutre, nous avons réalisé des étiquettes reprenant les numéros d’inventaire. Cette démarche s’ancre dans le grand chantier de modernisation de l’institution. En effet, la directrice essaie depuis sa prise de fonction, d’impulser une vitalité nouvelle à l’écomusée. Pour mener à bien ce chantier elle s’appuie sur la méthode RE-ORG, consistant à la réorganisation des réserves à partir des ressources dont elle dispose déjà. Pour y parvenir il fallait qu’elle identifie les problèmes à traiter en priorité : débarrasser les réserves encombrées de cartons, attribuer un nouveau numéro d’inventaire aux collections, réaménager certains espaces d’exposition, trouver de nouvelles étagères pour conserver les objets dans de meilleures conditions etc.   

            Conditionnement  

Au deuxième étage, nous nous sommes attelés au conditionnement d’objets de collection. Il s’agissait de les mettre dans des boîtes neutres et de les emballer dans du papier de soie. Ces objets devaient être mieux conditionnés car ils étaient, avant notre intervention, entreposés sur le sol des vitrines en bois. Nous avons pu en manipuler plusieurs types : habits traditionnels, casseroles, vases, ustensiles, peintures, etc. Ce fut le moment pour nous d’appréhender les règles de base de la conservation. Elles consistent, en partie, à prévenir les altérations du temps (poussière, moisissure, infestations). Lors de cet atelier, Morgane Conchis nous a montré une coiffe en dentelle noire qui avait perdu de sa superbe. En effet, une partie de sa couleur s’était effacée à cause d’une trop longue exposition à la lumière artificielle, ici un spot halogène. Le principal enjeu de la conservation de la collection liée à cet étage concerne les textiles. Étant davantage soumis aux aléas du temps, donc plus fragiles, ils demandent des protocoles précis. 

Remerciements

La bénévolence et la passion de Morgane Conchis ont permis une visite optimale de l’écomusée. Nous avons éprouvé un grand plaisir à la rencontrer et à apprendre de ses connaissances. Nous espérons que le travail qu’elle effectue, qui, remarquons-le, est colossal, se déroulera dans les meilleures conditions. 

Maxime ABADIA