La chapelle Saint-Yves (11 rue Saint-Yves), située au cœur du centre historique de la ville de Rennes a accueilli lors des Journées du Patrimoine une exposition temporaire intitulée 1720. Le Grand Incendie de Rennes. Cet ancien lieu de culte, réhabilité pendant un temps en office de tourisme, accueille depuis 2019 des initiatives culturelles variées telles que des expositions et des classes patrimoines pour les scolaires. L’exposition est conjointement dirigée par la ville de Rennes et le musée de Bretagne et se déploie également dans différents espaces tels que le musée des Beaux-Arts et les Champs-Libres. Malheureusement, nous n’avons pu nous déplacer dans ces deux derniers. Les propos tenus se concentreront donc sur l’exposition principale présentée à la Chapelle.

Ce qui motive la réalisation d’une exposition au sujet de l’incendie est l’impact de ce dernier sur le paysage rennais : on en observe les séquelles dans le découpage du centre-ville. Il a donné suite à une importante replanification et modernisation urbaine. Cette tragédie est avant tout matérielle : peu de victimes sont à déplorer, néanmoins une partie de l’héritage architectural de la ville est à jamais perdue et cet événement a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective des Rennais. Cette blessure fait écho à un autre incendie : celui du Parlement de Bretagne survenu en 1994.

Le déploiement dans l’espace public : un moyen d’aller à la rencontre du visiteur

Les organisateurs de l’exposition ont exploité l’espace public et s’en sont servi en tant que moyen de médiation. En effet, grâce à des dispositifs simples et intelligents, l’exposition démarre dans la rue. Des panneaux explicatifs ont été disposés en dehors des murs de la Chapelle. Ils servent à délimiter l’avancée de l’incendie dans la ville, puisque le feu a parcouru et détruit une partie de la vieille ville. A la manière d’un jeu de piste ludique, ces panneaux guident des riverains et touristes qui ne connaissent pas nécessairement cet épisode historique. Leur concision incite d’ailleurs le visiteur à s’informer de manière plus approfondie au sein de l’exposition. C’est un moyen ingénieux de drainer un public qui ne s’était pas forcément déplacé pour la visiter.

Une scénographie et un graphisme dynamiques

L’un des premiers éléments qui se détache lorsque l’on pénètre dans cet espace d’exposition est son identité visuelle. Sur les panneaux, des reproductions de photographies et de plans contrastent chromatiquement avec les autres éléments graphiques. En effet, les huit grands panneaux vitrés répartis le long des parois de la chapelle affichent des cartels bleu foncé, rehaussés de couleurs vives aux tons orangés, violacés et rougeâtres afin de suggérer un feu s’embrasant en pleine nuit. Ce graphisme efficace et moderne attrape l’œil du visiteur et pallie l’absence d’objets exposés. Grâce aux premiers panneaux, on apprend que les illustrations et la mise en page ont été réalisées par Maïwenn Philouze, graphiste indépendante à Rennes.
La scénographie est, quant à elle, relativement sobre et emploie principalement deux matériaux : le bois et le verre. Des maquettes interactives et des éléments scénographiques en bois ont été exécutés par Vincent Hubert travaillant pour l’Atelier Maquartis situé à Chantepie (périphérie de Rennes). Ces dispositifs méritent que l’on s’y attarde plus loin dans l’article.

Une formule gagnante : simplicité du discours scientifique et anecdotes

Sans aucun objet à nous montrer, l’exposition réussit le pari de mettre en lumière un événement dramatique dont chaque Rennais a entendu parler, mais que peu connaissent dans tous ses aspects, le tout grâce à un parcours concis et multidimensionnel. Plutôt que de traiter cet évènement en fait divers sensationnel, l’exposition propose une vision documentée et humaine de l’incendie. En commençant par les causes de l’incendie, en passant par les enjeux de la reconstruction et en finissant par les traces laissées par les flammes, l’exposition brosse une fresque alliant savamment faits historiques et anecdotes.
Dans une exposition historique, le choix d’un propos scientifique accompagné d’un contenu anecdotique, incarné par un personnage médiéval se promenant entre les panneaux, pourrait étonner. Certes, tout un chacun pourrait penser que les organisateurs laissent place à l’imprécision. C’est tout le contraire. Il permet d’ancrer l’événement dans le réel et de susciter la curiosité. Ces petites histoires et ces commentaires sont un atout, une note légère, face au poids d’un sujet qui demeure, pour certains, lointain et complexe.

Des dispositifs de médiation ouverts à des publics diversifiés

L’accès au plus grand nombre apparaît comme l’un des enjeux majeurs de cette exposition, et cela passe par des dispositifs de médiation multimédia variés.

À l’entrée du parcours, le premier élément interactif auquel nous sommes confrontés est une mallette. Dans celle-ci, une carte de la Bretagne, gravée sur bois, informe le visiteur de la provenance des matériaux ayant servi à la reconstruction du centre-ville. Celui-ci est amené à cliquer simultanément sur le bouton correspondant à l’un des matériaux et sur celui qu’il pense être le lieu de provenance. Ces matériaux sont représentatifs de ceux que l’on peut trouver dans la région : bois de chêne, ardoise, minerai de fer, granite, schiste pourpre, calcaire, etc. Des zones hachurées, pointillées ou encore sous formes de vaguelettes sont légendées, ce qui permet une lecture intelligente et claire. Cette borne contribue à attiser la curiosité des petits et des grands, tout en leur permettant de déterminer, de manière très visuelle, où sont localisées les principales ressources naturelles de la Bretagne.

Ensuite, deux panneaux proposent aux visiteurs des cartes de la ville de Rennes à remplir. Sur le premier, une ardoise et des feutres invitent les adultes à tracer un nouveau plan de Rennes à la manière du XVIIIe siècle. Il y a une seule contrainte : les bâtiments importants détruits dans l’incendie sont à replacer. Le plan voisin, destiné à un public plus jeune, propose le même exercice, mais les enfants sont libres de ne pas suivre les contraintes urbaines d’un plan orthonormé et régulier. Ces cartes sont importantes dans le cadre de l’exposition puisqu’elles permettent aux visiteurs de se sentir intégrés.

Cette médiation avec le public est d’autant plus prégnante quand aucun objet n’est présenté dans l’espace. En effet, l’exposition dépasse cet obstacle en donnant à voir des supports et des reproductions parlantes, comme évoqué plus haut. Ces aides au discours sont utilisées et agencées de manière pertinente et complètent harmonieusement les manipulations spécialement créées pour l’occasion.
Afin de donner vie à l’exposition et d’éviter l’écueil de la monotonie d’un parcours purement informatif et textuel, le parcours du visiteur est enfin interrompu grâce à des structures menuisées situées au début et à la fin de la Chapelle, et volontairement calcinées pour rappeler les bâtiments perdus dans l’incendie. Dans ces dernières, des écrans ont été logés et présentent des documents d’archives ainsi qu’une programmation culturelle composée de concerts accessibles sur internet.

Cette exposition sur l’incendie de Rennes permet au visiteur d’aborder un pan dramatique de l’histoire rennaise de manière ludique, interactive et intelligente. Grâce à ses dispositifs de médiation, l’alternance des propos scientifiques et anecdotiques et une communication au-delà de l’espace d’exposition, 1720. Le Grand Incendie de Rennes. En définitive, elle remplit les objectifs/missions qu’elle s’était fixée : être efficace, concise et très informative.

N.B.: Les commissaires d’exposition ne sont pas cités puisque leurs noms n’étaient pas présents dans la documentation que nous avions à disposition.

LE MEUR Laurine, MERGNY Brice, ABADIA Maxime

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