Depuis sa réouverture à la fin de l’année 2023, le Musée National de la Marine à Paris, niché au sein du palais de Chaillot, ne cesse d’attirer les visiteurs. Son nouveau parcours offre une plongée au cœur de ses collections pluriséculaires et de ses chefs-d’œuvre, tout en abordant les enjeux maritimes contemporains. Fascinée par les innovations muséographiques et scénographiques largement relayées par les médias et les réseaux sociaux, c’est avec un réel enthousiasme que je m’y suis rendue lors de mon dernier séjour à Paris.
Au cours de cette visite, j’ai été particulièrement attentive à l’approche inclusive adoptée par le musée. Au-delà de la découverte des œuvres, j’ai consacré une grande partie de mon temps à expérimenter les diverses formes de médiation mises en place. Le musée de la Marine se positionne au sein d’une nouvelle génération de musées. Comme indiqué sur le site du musée, un des cinq principes fondateurs de la refonte est de « faire de la visite au musée une expérience et une source de plaisir en répondant aux attentes du public en matière d’outils de médiation »1. Le musée a élaboré une cinquantaine de dispositifs de médiation fixes pour s’adresser à tous les publics « quels que soient l’âge, les origines, les handicaps, les habitudes culturelles ou la connaissance du monde maritime »2. Le musée propose ainsi une variété de formats vivants et interactifs, incluant des éléments audiovisuels, des simulations sensorielles, des jeux interactifs, des films d’archives, des interviews, de la réalité virtuelle ou encore des mises en situation. Les médiations sont intégrées tout au long du parcours de visite, de façon régulière, aux abords même des œuvres exposées. Certaines installations repoussent les limites des médiations traditionnelles. De manière insolite, le visiteur peut s’installer dans un siège de pilote, et armé de manettes, il se retrouve à diriger un Rafale décollant d’un porte-avions depuis un simulateur.
Les bornes vidéo en très haute définition permettent de découvrir les métiers liés au monde maritime. Ces entretiens plutôt courts sont disponibles en français et en anglais, avec des sous-titres et une traduction en langue des signes. Elles offrent un regard humain sur ces métiers, mettant en lumière les personnes qui les exercent. Une autre grande borne ludique invitait à jouer à un « jeu de pont », où un personnage évolue au sein d’une interface qui permet de découvrir les loisirs à bord d’un paquebot. La prise en main n’a néanmoins pas été des plus aisées. Les visiteurs peuvent rencontrer quelques difficultés à interagir avec le disque à renvoyer par-dessus le filet, dans la simulation d’un jeu de tennis.
Deux parcours, au sein de l’exposition permanente, balisés par des drapeaux de couleurs ont également retenu mon attention. Un premier parcours personnalisé de onze étapes, signalé par des drapeaux verts, est spécialement conçu pour les familles. Il propose d’explorer tout au long de la collection les qualités requises pour devenir un « vrai loup de mer ». Une maquette avec un vestige de navire submergé apprend aux enfants qu’il faut être prudent lorsque l’on est plongeur. Les dispositifs, allant de la simple interaction (tirer sur une languette, sentir une odeur), à des recherches approfondies via une tablette, suscitent la curiosité des enfants, les engageant en tant que visiteurs actifs. Par exemple, le musée insiste sur « la curiosité de l’explorateur » à l’aide d’une enquête sur tablette concernant le mystère du naufrage de Lapérouse. Les activités encouragent les familles à devenir actrices de leur propre expérience muséale. Cette démarche favorise les échanges et renforce donc les liens intergénérationnels, comme en témoigne la présence de nombreuses personnes âgées accompagnées d’enfants.
Un autre parcours, nommé « Parcours essentiel » et signalé par des drapeaux orange, est proposé. Des tables fixes, au nombre de huit, jalonnent le parcours avec des médiations axées sur l’accessibilité universelle. Ces tables disposent d’objets à toucher, d’écrans en audiodescription qui s’accompagnent d’adaptations d’affichage, de traductions en langue des signes française, ainsi que de contenus en FALC (Facile à Lire et à Comprendre) et en braille. J’ai notamment pu découvrir l’utilisation d’un sextant, un instrument de navigation, dans l’espace lié aux outils scientifiques. La reproduction tactile et mobile m’a permis de saisir le principe et la manipulation de cet outil. Un autre exemple concret est illustré par une table interactive qui permet de toucher et de scanner des produits de la mer, tels que le cabillaud pané ou les coquilles Saint-Jacques, pour rappeler la saisonnalité de la pêche et sensibiliser aux achats éco-responsables associés.
Enfin, j’ai été agréablement surprise par un espace co-conçu avec des publics en situation de handicap, nommé « La Bulle ». Inspiré de la méthode Snoezelen, il a pour but d’apaiser un visiteur en situation de stress ou de handicap. Une porte discrète située près de la salle des cires conduit à cette bulle sensorielle en accès libre, limitée à deux ou trois personnes. Pensée autour de la thématique du corail et du récif, elle offre un instant de relaxation à l’abri de l’agitation du musée et de la foule. Selon leurs besoins, les visiteurs peuvent choisir une ambiance soit apaisante, soit stimulante. Cet endroit, le premier en son genre dans un musée, incite à s’octroyer quelques minutes pour savourer pleinement cette expérience hors du commun.
Il ressort de ma propre expérience que ces divers moyens de médiation ont réussi à captiver un large public. Leur positionnement au sein de chaque séquence leur confère la capacité de transmettre efficacement le message d’ensemble à travers les thématiques plus spécifiquement abordées. Les enfants, notamment, se sont émerveillés devant les tables et dispositifs interactifs, désireux de les expérimenter, de toucher et d’écouter. De tels dispositifs leur offrent la possibilité de se concentrer sur plusieurs œuvres, présentes à proximité, au sein de vitrines, de façon ludique. L’abondance des médiations et la diversité des activités qu’elles proposent suscitent l’étonnement. L’un des points forts de la rénovation du musée réside donc dans son engagement en faveur de l’inclusion, offrant une pratique muséale enrichissante et répondant aux besoins spécifiques de tous les visiteurs. Son parcours, judicieusement conçu et de durée raisonnable, assure une expérience de visite complète et satisfaisante à tous les égards.
Sarah Lemercier
1 Site internet du Musée National de la Marine, Les enjeux de la rénovation : https://www.musee-marine.fr/le-magazine/dossiers-thematiques/vers-le-nouveau-musee-national-de-la-marine/les-enjeux-de-la-renovation.html
2 Site internet du Musée National de la Marine, Communiqué de presse : https://www.musee-marine.fr/fileadmin/user_upload/Reseau/professionnel/presse/le_nv_musee_a_paris/MnM_PARIS_CP_mediation_et_accessibilite-V5.pdf