Les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie de Toulouse, en collaboration avec la Fondation Giacometti, ont proposé du 22 septembre 2023 au 21 janvier 2024 une exposition sur l’œuvre d’Alberto Giacometti, qui se concentre sur les années 1946-1966 et porte une attention particulière au contexte d’après-guerre. Le propos a su mettre en lumière la singularité de l’œuvre de l’artiste, resté fidèle à la figuration malgré le courant abstrait post-Seconde Guerre mondiale. Son art est également rapproché des réflexions existentialistes portées par Jean-Paul Sartre. La pluralité des médiums présentés – photographie, sculpture, dessin, peinture – a offert une approche globale de l’œuvre de Giacometti durant les vingt dernières années de sa vie.
L’exposition se caractérise par un nombre important de tirages photographiques grand format. Ces derniers sont surtout présents dans le grand hall. Ils amènent beaucoup de douceur et de poésie, à la fois à l’architecture imposante du musée et à cette matière travaillée qu’est le bronze. Ils permettent également d’humaniser le discours : ce sont d’ailleurs ces photographies qui nous accueillent dès le seuil de l’exposition.
La scénographie met tout à fait en valeur les œuvres, que ce soient les bustes plus petits, positionnés sur de grands plateaux carrés ou rectangulaires, ou les grandes sculptures présentées au moyen du même dispositif dans le hall central. La scénographie d’ensemble est simple, épurée ; les expôts se situent au centre des pièces et sont entourés de photographies. Ce choix, qui n’est pas sans rappeler l’agencement du white cube, crée un contraste percutant avec les briques roses du bâtiment d’origine.
Une des dernières salles est consacrée au théâtre. En effet, Giacometti est lié à ce milieu par son entourage (Jean-Paul Sartre et Samuel Beckett pour ne citer qu’eux). C’est précisément pour Beckett que l’artiste créera une sculpture d’arbre destinée à la pièce En attendant Godot, jouée en 1961 à l’Odéon. Cet arbre, dépouillé dans sa forme, ne présentant plus que quelques feuilles, est le seul élément de décor. Au musée, il est exposé dans une salle plongée dans la pénombre, dont le mur du fond est recouvert par une photographie du spectacle montrant les deux comédiens. Des projecteurs lumineux aux tons roses et mauves ajoutent une vibration singulière à la salle, la distinguant du reste du parcours. Cette scénographie est intéressante, car elle fait entrer en résonance la pièce de théâtre des années 1950 et une esthétique plus actuelle.
Si quelque critique devait être émise, elle concernerait les textes. En effet, on les trouve en nombre et ils ne sont pas toujours faciles d’accès, qu’il s’agisse du registre de langue ou des références convoquées. Cette exposition semble davantage s’adresser aux connaisseurs qu’à celles et ceux qui ne sont pas familiers de l’artiste. Ainsi, avoir une bonne connaissance du milieu artistique et littéraire de l’époque apparaît essentiel à la bonne compréhension des contenus. Or, un lieu tel que les Abattoirs aurait tout intérêt à rendre accessible au plus grand nombre ce type d’exposition, coorganisé avec une fondation privée, c’est-à-dire un espace qui peut sembler plus intimidant que le musée public. L’exposition Niki de Saint Phalle. Les années 1980-1990. L’art en liberté, également présentée aux Abattoirs en 2022-2023, amorçait une volonté plus affirmée de démocratisation et d’accessibilité, notamment par la médiation proposée en fin de parcours, qui réunissait un large public.
Zoé Dupuy