Les étudiants du MAGEMI ont eu la possibilité de visiter l’Écomusée du Pays de Rennes lors de deux visites ; la première a permis de se familiariser avec les lieux et de découvrir l’exposition permanente, et la seconde étaient une immersion dans les Landes de Bretagne grâce à l’exposition temporaire qui se tient depuis le 25 novembre 2017 et jusqu’au 26 août 2018.

L’exposition permanente, visitée avec Jean-Luc Maillard, directeur du musée :

L’Écomusée du Pays de Rennes c’est avant tout un étonnant ensemble qui se tient à la ferme de la Bintinais, lieu existant depuis le XIIIe siècle, et qui en fait une des plus anciennes et importantes de France. Dans une proximité immédiate à la ville, cet espace qui comprend aujourd’hui 20 hectares (historiquement 60 hectares) laisse entrevoir au public un espace semi-naturel où l’on peut arpenter un site agronomique et cultivé au sein d’un parcours pédagogique.

Au cœur même de la ferme, il est possible de visiter un potager, une étable, une porcherie, une bergerie et les volailles, où sont représentées en faible effectif des races menacées et protégées du Grand Ouest afin de sensibiliser les visiteurs à la biodiversité (coucou rennais, mouton d’Ouessant, etc) . L’occasion est aussi d’évoquer la question du goût et de la réputation de certains produits du terroir, mais aussi de parler d’écologie.

Le musée lui se trouve dans le bâtiment d’origine ayant des airs d’ancien manoir. Les propriétaires, les Bazin, étaient une famille de nobles ne venant que rarement en villégiature pour profiter de la chasse et de la campagne. Afin de constituer une source de revenus, ils louaient les lieux à d’importants fermiers pouvant par la suite tenir le rôle d’hommes d’affaires. Les différents aspects sociologiques que regroupent les histoires de la Bintinais et qui donnent à comprendre les relations entre la ville et la campagne ont mené historiens, géologues, agriculteurs et ethnologues à reconstituer chronologiquement la vie qui s’y passait en élargissant le propos au contexte local. 1200m² d’exposition sont visitables et permettent de mettre en lumière l’essence du Pays rennais à travers la question de l’agriculture.

Grâce à la conservation du circuit originel, le public voyage dans le temps en parcourant certaines pièces de vie où l’on peut voir des portraits et du mobilier traditionnel mis en scène. Si le musée n’a jamais été rénové depuis sa création en 1987, les contenus audiovisuels ont tout de même été remaniés afin de rendre la visite plus attractive. Une phase de recherche dans les archives a même débouché sur une histoire visuelle intitulée “Ceux d’ici”. Un plan de rénovation est néanmoins envisagé d’ici quatre ans, grâce à une politique d’investissement de la région et de la collectivité dont le musée dépend.

Quatre autres parties viennent agrémenter le parcours du musée. “Vivre au Pays de Rennes” est une section installée sous les combles et qui fonctionne comme un livre chapitré ; on peut y découvrir le cadre de vie de la ferme grâce à des tapisseries, des livres de recettes ou des vêtements. “Le temps et les jours” raconte les conditions de travail dans un temps précis comme une saison, à travers la voix de personnages comme les domestiques et les jardiniers. Plus loin, on peut aussi comprendre l’histoire des bâtiments et de l’architecture grâce à de vraies maquettes interactives, des photos, matériaux, outils et mannequins en action.

Au rez-de-chaussée, la fin de la visite retranscrit la production de la ferme avec la présence de machines interposées dans une grange mise en scène et agrandie. Sur la terre battue d’origine, elles montrent l’âge d’or et l’évolution de la production agricole (cidre, laiterie, etc), et sont accompagnées de gravures, photos, cartes géographiques, et reconstitutions de vergers par exemple. On y découvre aussi les questions liées aux terres, aux animaux et aux corvées (comme le blanchissement du linge). Les jeunes visiteurs auront l’occasion de s’amuser grâce à un meuble-jeu spécialement conçu pour la visite.

Enfin, l’ancienne grange a été réhabilitée en salle polyvalente qui permet d’accueillir des animations pour le public lors de journées spéciales consacrées à un thème (comme la récolte du miel ou la fabrication du beurre). Y sont également programmés des spectacles, concerts et conférences.

Si le temps moyen de visite est assez long (2h10), l’Écomusée du Pays de Rennes a tout même réussi à fidéliser son public, principalement constitué de familles avec de jeunes enfants, et 650 d’entre elles possèdent une carte d’abonnement. C’est aussi grâce à des dispositifs comme la carte “Sortir”, les Journées du Patrimoine, la Nuit des Musées et les Premiers Dimanches gratuits que le musée séduit ses visiteurs et accomplit son désir de rendre la culture accessible au plus grand nombre.

L’exposition temporaire, visitée avec Anne-Cécile Turquetty, muséographe et chef de projet :

Landes de Bretagne, un patrimoine vivant, c’est une nouvelle occasion de faire vivre la salle d’exposition temporaire de 350m² que l’écomusée a inauguré en 2010. Sous les traits d’une architecture contemporaine contrastant avec les bâtiments historiques, l’exposition s’est installée dans un décor sensitif d’une grande liberté d’expression.

L’idée de ce projet est avancée par le commissaire de l’exposition François de Beaulieu, auteur de Mémoire des Landes de Bretagne (2014). Lors de sa rencontre avec Jean-Luc Maillard, il exprime l’envie de montrer la force de la présence humaine sur ces territoires ; il souhaite alors exposer le poids ethnographique du sujet ainsi que la pluridisciplinarité entre l’homme et la nature. C’est avant tout l’opportunité d’une rencontre et non d’une valorisation d’un objet ou d’un thème très prédéfini.

Ce projet, débuté en mars 2016, donne aujourd’hui à voir une exposition en six parties à travers un parcours à la fois thématique et chronologique. Les différents angles abordés sont ceux des espaces naturel, agricole, culturel et aussi le défrichement des landes. Le propos est entouré d’une introduction et d’une conclusion pour structurer le discours. L’ambiance, aussi bien visuelle que sonore, participe à l’immersion du visiteur dans le sujet.

L’introduction : les landes c’est avant tout un sentiment fort de l’identité bretonne, un élément phare de son agriculture. L’idée est aussi d’aborder la question de l’espace qu’elles représentent avec un constat fait au public ; autrefois 1 000 000 d’hectares, aujourd’hui seulement 14 000.

L’espace naturel : il est décrit comme une très vaste richesse articulée par les landes côtières mais aussi intérieures. On peut découvrir dans cette première section des vitrines avec des herbiers, outils et objets issus du Muséum d’Histoire Naturelle de Nantes et des collections de Rennes 1, des insectes et animaux naturalisés. Il y est aussi question de la biodiversité et de la généalogie de cet espace ou encore de chasse. Quelques citations (de Chateaubriand, Proust ou encore Gracq) viennent rythmer l’intégralité du parcours et des informations complémentaires sont fournies par des contenus audiovisuels.

L’espace agricole : il est illustré comme un système très stable et cette section rapporte les pratiques agricoles qui lui sont liées. On peut ainsi comprendre le fonctionnement du pâturage des bêtes qui produisent le fumier par exemple, mais aussi l’enrichissement des terres grâce à l’écobuage, et d’autres usages des landes comme la vannerie. Afin de décrire au mieux ces différents éléments, photos et accessoires (issus des collections de l’écomusée, des archives départementales, du CNAM et du Mucem), peintures, reconstitutions, schémas et dessins naturalistes sont autant d’éléments qui répondent d’une iconographie très importante. L’ambiance est renforcée grâce à la diffusion de témoignages audio et par un diaporama de photos.

L’espace culturel : les landes c’est aussi un espace où les liens sociaux se consolident (foires et pardons) et où l’imaginaire se déploie (diffusion de légendes contées), c’est un lieu d’inspiration pour les artistes. D’ailleurs, quelques tableaux empruntés au Musée des Beaux Arts de Rennes et au Musée de Morlaix ont trouvé leur place dans l’exposition. L’occasion a aussi été de mettre à disposition du public un écran interactif qui permet d’évoquer d’autres peintres comme Monet et Frélaut en faisant des zooms sur leurs œuvres. Cette section permet de développer des éléments de médiation pour les enfants, grâce à la mise à disposition de bandes dessinées.

Les grands défrichements : ce sujet permet de comprendre les grandes mutations liées au système agricole (notamment la question de l’engrais). Affiches, photos, bocaux, objets techniques ou même des machines venant des collections de l’Agrocampus mettent en lumière ces changements. Ceux-ci, concernant une nouvelle agriculture imposée, sont davantage décrits dans un film assez décalé et humoristique réalisé par Jean Kergrist.

La conclusion : axée sur le XXe siècle, elle pose la question de l’héritage des landes et de leur évolution progressive. Elle montre la poursuite du travail de défrichement et la modernisation de l’agriculture grâce à la mécanisation et la publicité, ce qui a mené à l’enrichissement des agriculteurs. Grâce à des photos plus contemporaines (prises à chaque saison) et à une carte numérique, le public peut entrevoir les landes bretonnes d’hier et aujourd’hui tout en se questionnant sur la problématique de l’environnement. Cette fin d’exposition c’est la volonté d’attirer les visiteurs directement sur les landes grâce à un écran interactif qui présente les multiples sites. Enfin, un film réalisé avec des drones qui survolent les lieux, participe à l’envie d’aller les visiter.

Landes de Bretagne, un patrimoine vivant est le résultat d’une volonté d’exposer un sujet phare pour la région bretonne, ainsi qu’une variété impressionnante de ressources documentaires. C’est un équilibre entre images, objets et photos, et l’inclusion d’un contenu immatériel grâce à l’évocation d’autres lieux qui adaptent cette exposition à leur propre structure.

 

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